"Le bonheur est parfois une bénédiction, mais le plus souvent, c'est une conquête."
"J'ai toujours dit ce que je pensais... là par exemple je pense à rien, je le dis."
Cela ne signifie pas pour autant que je n'ai rien à dire. J'ai dormi au pied du lit de mes maîtres, comme il se doit. J'ai ouvert un oeil une ou deux fois dans la nuit, un instant réveillé par de puissants ronflements sans pouvoir en identifier l'auteur ! Ce matin, nous avons pris la route privée alpenhaustrasse et versé notre obole au maustelle (péage). C'est bien plus agréable que le téléphérique trop pressé d'arriver, j'ai le temps de regarder le paysage, tandis que la voiture s'enroule autour de la montagne tel un serpentin jusqu'à se rapprocher au plus prés du sommet du Kitzbüheler Horn. J'ai hâte d'en fouler le sol et en même temps je me demande ce qui m'attend au tournant !
Je prends en pleine truffe, des shoots d'oxygène fortement dosés, la fraîcheur me saisit et rabat mes oreilles, c'est excitant ! A moi les grands espaces, la liberté, tourner, virer, revenir et soudain disparaître encore et encore...Le soleil joue à cache cache et me donne pour chaque point de vue deux versions, une claire, une obscure, j'ai de temps en temps l'impression de me perdre.
La progression dans l’alpengarten doit se faire en montant des escaliers de pierres et de bois, je suis donc obligé de regagner mes appartements afin de protéger mes vertèbres. Ma vieille me charrie sur son dos ce qui la laisse libre de photographier tous azimuts. Je reste toutefois vigilant de façon à ce qu’elle maintienne un espace régulier mais proche avec mon autre fidèle porteur …de ravitaillement. Chaque fois que je suis sur le point de le perdre de vue, je rue dans les brancards, ronchonne dans ma studette aussitôt je me prends un sérieux coup de semonce pour cause de photo loupée : notre tandem est bancal, nous n’avons pas les mêmes objectifs !!
Terre !! enfin sur le plancher des vaches pour patrouiller alentour. Tantôt à humer ici où là, les notes fleuries, l'odeur puissante des alpages colorés puis les pattes dans l'eau, la tête levée vers le ciel, je sens au loin, l'air et l'eau des torrents chanter et danser, seuls maîtres des lieux. Je reprends ma course effrénée, sans cesse abruptement stoppée par quelques émanations sauvages. Puis las, je pose mon cul sur un tapis de mousse chauffé par le soleil et me laisse griser par le paysage....
Soudain, j'ai flairé à faible distance l'odeur de mes congénères, je force l'allure et sur une pierre plate qui me sert de poste d'observation, je fais l'inventaire de mon vaste territoire ! Malheureusement la Hütte qui nous ouvrait ses portes était cernée par une horde de gros chiens, enfin disons trois ou quatre...dont un qui faisait le guet sur le toit ! Après réflexion, nous avons décidé de prendre de la hauteur, bien installé au calme pour pique-niquer, puis rassasiés, en regardant ensemble dans la même direction, on a reposé notre esprit !
Sur la dernière partie du trajet, j'ai suivi mon pote pas à pas sur de petits sentiers toujours bordés de fleurs. Une mosaïque de blanc, rose et mauve cherche à me distraire sur le chemin du retour. Quand je détourne le regard par lassitude, la nature imprévisible change le décor du petit sente sur lequel je chemine, le voilà paré de rouge, orange et bleu pigmentant les herbages et magnifiant la renoncule et le trolle d'un jaune dominant, je redouble alors d'effort, émerveillé....
« Le récit est un chemin qu'il faut suivre pour se perdre. »