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CHARLY  dit  "ZIGOUIOUI"
15 février 2020

"La mort est un manque de savoir-vivre"

 

 

"Nous sommes au bord du gouffre, avançons donc avec détermination"

 

Je n'ose pas vous conter le spectacle affligeant auquel je suis confronté tous les matins, ces temps ci. Puisque vous insistez, j'vous raconte... A point d'heure, alors que ça fait un bail que je glande dans l'attente de ma cuillère de miel, la vieille, cheveux en bataille fait son entrée remarquée dans ma cuisine. Les chaussettes tire- bouchonnées, les yeux qui ne sont plus que des fentes tant ils sont bouffis et j'en resterais là, car il y a de quoi démoraliser un régiment. Mon pote, dont la vue baisse dangereusement, la bise affectueusement. Y'en a qui ont du courage, ça tient du sacerdoce... Entamer une journée euphorique dans ces conditions, c'est quasi surhumain, alors pour un pôve teckel comme moi, c'est vous dire ! Mon pote et moi on se dégarnit sur le milieu du crâne "à cause que" la vieille nous fatigue. Le peu de tifs qui nous reste se fait des cheveux blancs qui nous auréolent et scintillent sous la lumière crue du bureau où nous choisissons parfois de nous exiler. Nous avons la même coupe style "coiffé décoiffé" ça coûte un bras et c'est moche ! Heureusement pour moi, tout me sied à merveille et je me trouve très beau. D'ailleurs je ne suis pas le seul à le constater vu les compliments que je récolte dés que je mets la truffe dehors...Jalouse, la patronne a débarrassé le plancher pour se faire rôtir la couenne au sauna à défaut d'embellir. J'ai mis la barre haute et elle ne m'arrive pas encore à la cheville... Je profite de son absence pour vous donner ma version (la vraie !) d'une balade dont elle rêvait et nous rebattait les oreilles.

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Chaque année avec un plaisir non dissimulé, nous déposons nos valises à la Pension Noëlla (660 mètres). Dans notre chambre, un petit cadeau, rien que pour moi, vient me souhaiter la bienvenue au paradis, perdu onze mois durant. La belle maison d'Andrea et Roeland est adossée à la montagne au sommet de laquelle se trouve une auberge (Harschbichlhütte 1600 mètres)) dont la cuisine ainsi que la vue à 360° me laisse bouche bée. On y accède, entre autres, par le téléphérique de Saint Johann in Tirol. Une fois sur place, les sages s'installent sur des transats après avoir fait une dégustation de fromage, gâteaux et plus... Les fous, dont je fais partie bien malgré moi, prennent le sentier droit devant, face à l'imposant Kitzbüheler (1996 mètres). Un petit sentier étroit et sinueux, s'y faufile en pente raide sans ménager sa peine et nous le suivons. L'hiver a patienté jusqu'à notre arrivée au grand désespoir de la patronne. Vexé, il a cédé sa place au printemps lui laissant un petit foutoir. Des plaques épaisses de neige s'accrochent encore par endroit et fondent à d'autres pour compliquer notre ascension.

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À bout de souffle et avant-dernier, j'accède enfin au premier palier, où mon pote m'attend bien installé sur un banc. J'aime que l'on devance l'heure des repas, ça pimente mes journées et spécialement aujourd'hui. Pendant que la vieille met notre décor en boite, je m'installe prés du chapeau tyrolien pour y contempler le Wilder Kaiser qui compte au moins une vingtaine de sommets de plus de 2000 mètres. Ça m'en donne le tournis ! Je baisse les yeux pour retrouver un peu d'équilibre et dans le lointain, ma hütte que j'ai délaissé pour un maigre piquenique, me rappelle à l'essentiel. D'un même élan, la vieille et moi rejoignons not'cantinier. "On y va ?" dit mon pote. "un peu mon n'veu, j'ai une faim de teckel". Il se lève et au lieu de déballer nos victuailles du sac, il le remet sur son dos. Je m'interroge, et lui aussi : "Tu veux toujours faire le tour du Kitzbüheler Horn ?" dit-il. "Pas avant d'avoir mangé, ensuite on verra, foi de Charly!" Y'a comme une confusion dans mon histoire, c'est un mauvais scénario, mais pas pour la vieille apparemment. Aux anges, elle se joint à notre dialogue de sourds pour faire les questions et les réponses. Et sans plus attendre, là voilà qui prend la tête du cortège sans se faire prier. On ne prend jamais en compte mon avis, personne ne parle ma langue. Je reste seul, planté là, un peu sur ma FAIM...si vous au moins, voyez ce que je veux dire !

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Mon refus de bouger plus avant a été de courte durée. En un rien de temps, comme je ne répondais pas à son appel, la patronne a rebroussé chemin pour me mettre dans ma studette, prétextant ma fatigue bien visible. Je ne suis pas dupe, elle veut mater ma rébellion et me mettre à l'écart. Mon pote lui donne raison pour clore le débat, en disant que c'est mieux pour mon dos. Toutefois, il tient à s'assurer un maximum et se nomme premier de cordée et photographe. De cette façon, elle aura les mains libres de tenir ses bâtons de vieillesse et sera par la même occasion..mon garde du corps. En échange de sa bonne volonté, il demande, non pas à moi, mais à mon sherpa de  crier "au secours" en cas de vertige. On reprend notre grimpette et la vieille se concentre afin de mettre un pied devant l'autre, ce qui est quand même le minimum syndical... De temps à autre, je mets la truffe dehors pour, comme qui dirait, prendre la température. Tantôt mes moustaches frôlent les parois grises de la montagne et m'oblige à rentrer ma bouille avant de m'faire raser. Tantôt, à l'inverse, je n'ai que le vide sous mes moustaches avec l'impression de tomber à pic...et ce n'est pas le bon moment !

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A ma naissance, comme à la vôtre d'ailleurs (je me refuse à être un privilégié) on m'a donné la mort en héritage. Je ne suis pas un teckel intéressé. les biens de ce monde et ce legs en particulier, me laissent froid... à part ceux qui remplissent mon estomac bien sûr ! Croyez en mon expérience, dès que l'on est en passe d'hériter et pire encore dés qu'on possède quelque chose, on ne dort plus que d'un oeil... Je sais de quoi je parle, j'ai hérité de deux vieux ! Alors je le dis tout net, la mort m'attendra, elle n'a que ça à faire et je n'suis pas pressé. Mais pour l'instant, malgré ma décision de rester en vie, je crains de ne pas avoir la majorité des voix... J'poserais bien la question à mes compagnons mais j'ai peur de la réponse et j'en tremble. L'ivresse des cimes se gagne en général quand on approche des nuages, sauf pour la vieille. Dés les 500 mètres d'altitude franchis, c'est déjà le pied, imaginez son état de surexcitation à cette hauteur! Elle se veut rassurante avec son bla-bla auquel je n'entends rien, après tout je n'suis qu'un teckel... La vieille me sollicite encore de la voix, elle est bête ou quoi ?! Elle sait bien que je ne suis pas intelligent, à quoi ça pourrait-y bien m'servir dans la position où je me trouve, pas plus qu'à elle apparemment...sinon on ne serait pas là !!

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C'est pas trop tôt ! On a enfin fait le plus dur...je crois ! Un petit coucou pour la photo et on plie bagage. J'ai fait une découverte pendant cette "balade" le vertige est contagieux. Il y a toutefois une petite subtilité qui fait toute la différence, celui ou celle qui vous le transmet...s'en débarrasse ! C'est un cadeau dont je me serais bien passé. Pour m'aventurer dans la descente, il faut absolument que je voyage avec mon pote, je respecte toujours la parité ! Nous passons sur un tronçon de route, juste sous le jardin alpin dont je vous ai fait la description la dernière fois. Le temps d'observer quelques marmottes et d'y croiser mes ruminantes. Ce fut pour moi un douloureux rappel de les voir se remplir allégrement leurs deux estomacs alors que le mien se creusait misérablement. Mais j'ai l'habitude de souffrir en silence. Nous passons de l'autre côté du Kitzbüheler Horn et je mets pattes à terre, un vent de liberté souffle sur mézigue. Deux possibilités s'offrent à moi, un téléphérique tout prés qui me fera rentrer à la pension avec mon vertige ou le refuge juste à côté pour reprendre des forces. Mes vieux ont pris le sentier entre mes deux options et nous avons basculé du côté obscur du sommet préféré de la vieille. Et j'ai toujours le ventre vide...

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Le soleil a enfin réussi à franchir le sommet qui nous faisait de l'ombre et il revient nous tenir compagnie. La vieille toujours en train de planer, m'a pris à témoin avec enthousiasme. Elle est déjà à lorgner vers sa prochaine randonnée, là-bas...tout là-bas ! Elle m'aura à l'usure, il faut que je m'en éloigne. Un coup d'oeil alentour et mes pattes se ruent vers ma planche de salut sur le point de disparaître. Mon pote et moi avons des tête-à-tête dont je goûte toute la finesse. Un geste à peine esquissé, un regard qui n'a rien de bovin, rend nos entretiens clairs et sans faux semblant. J'ai compris illico qu'il ne me débarrasserait pas de mon vertige et question bouffe, je pouvais me brosser ! S'arrêter et déballer son sac, ist möglich*. Mais repartir, ist nicht möglich*. Il a juste assez d'énergie pour aller à l'essentiel, mais nous n'avons pas les mêmes notions de l'indispensable... Je rappelle pour ceux qui n'ont pas suivi, que je n'ai toujours pas becqueté mais, je reconnais que ce n'est rien par rapport au calvaire enduré par mon compagnon. Il regrette à chaque pas, d'avoir été le mentor de cette expédition, ses genoux ne lui disent pas merci. La vieille toute à sa joie, joue les cabris sur le chemin pierreux et glissant, en riant. Elle va même jusqu'à doubler mon pote, sans se douter qu'il est au bord de la rupture qu'elle soit sentimentale, ligamentaire ou les deux...

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Mon pote enfin parvenu au banc tant espéré s'y laisse tomber. La vieille revient vers nous après avoir pris bon nombre de clichés, souvenirs de nos exploits. Pensant que nous étions à son diapason, elle jacasse puis s'aperçoit que mon compagnon a sa mine des mauvais jours. Elle s'en indigne égoïstement jusqu'à ce qu'elle obtienne une réponse et dans la foulée, lui reproche de ne pas lui avoir parlé plus tôt de ses douleurs...Là, je me couche,je sens bien que ça part en sucette. Il faut dire que la douleur l'ayant égaré, il s'est plaint de faire des marches casse-pattes qui ne sont d'aucun intérêt, sauf pour ceussent qui veulent être fiers et pratiquer le dépassement de soi...Là encore, je ne bouge plus une oreille, c'est pas le moment de se faire repérer et encore moins de faire remarquer que je n'ai toujours pas BOUFFÉ !!! Un grand silence se fait, je garde les yeux fermés. La patronne lui suggère de s'allonger ouvre le sac pour prendre des crèmes qui ne se mangent pas et lui donne quelques bonbons (enfin je crois !) pour l'amadouer. Après une pause où j'ai rongé mon frein, mon pote s'est armé de courage pour attaquer la dernière ligne droite, bien pentue dans la descente...

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lorsque j'ai franchi le premier la ligne d'arrivée, la vieille m'a félicité en reconnaissant tous mes mérites : le courage, la persévérance, la disponibilité, l'abnégation... Même si c'est bien en-dessous de la vérité, je n'aime pas qu'elle me mette en avant comme ça, ma modestie en prend un coup à chaque fois ! Je n'ai fait que mon devoir de teckel qui attend la juste récompense dû à un gagnant. Je dois dire que je n'ai pas été déçu en rejoignant le clan des sages au Harschbichlhütte. J'y ai dégusté un Heisse liebe* d'exception à la hauteur de mon exploit et dans ma grande mansuétude, j'ai partagé ce délice avec mes vieux un peu rouillé...

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 "Un chef c'est quelqu'un qui a besoin des autres..."

 

*Heisse liebe : un amour chaud, gourmandise autrichienne au bon lait et crème de ruminantes en liberté. Glace vanille, surmontée de Chantilly maison et accompagnée de framboises chaudes, arrosées ou non d'alcool de framboise

ist möglich* (c'est possible) : C'est le sésame réconfortant que j'entends au Tirol, en réponse à mes nombreuses questions ou demandes suivi bien souvent d'un Kein problem* (pas de problème)

ist nicht möglich* (c'est pas possible) : C'est par exemple le commentaire fréquent de Thomas Tuchel, l'entraineur de foot allemand du PSG confronté notamment à la gestion d'ego démesurés...(il s'arrache les cheveux, le pauvre !!)

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Commentaires
C
Magnifique. Merciiii
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