"Croyez-vous, parce que nous sommes partis, que nous sommes certains d'arriver ?"
"On trouve le temps long quand on ne pense qu'à soi."
Dés potron-minet, nous avons plié bagage et le blues m'a enveloppé. Je suis pelotonné, la tête serrée contre mon coeur qui égrène déjà, les plaisirs passés, délicieux souvenirs qui se baladent en diaporama à chaque battement de mes cils. Je suis encore là-bas quand le sommeil m'emporte, mais la voiture insensible à mon spleen poursuit son chemin vers mon bercail ! Je suis réveillé par le bruit du coffre que l'on ouvre, mes vieux me saisissent et m'attachent à une large porte en bois, j'ai cru qu'il voulait m'abandonner là ! mais très vite en reprenant mes esprits, j'ai compris qu'ils faisaient une halte touristique.
Je ne vois pas l'intérêt de s'arrêter vingt minutes après notre départ, ça ne change rien au fait que les vacances sont finies ! alors par pitié finissons-en une bonne fois pour toute. D'ailleurs, même si les églises sont toutes plus belles les unes que les autres et toujours ouvertes ! elles ne le sont jamais pour moi ! Nous avons repris la route après avoir traversé le village de Söll à pied.
Je me suis rendormi en bougonnant, pour être à nouveau secoué et traîné bon gré mal gré dans la ville de Rattenberg. Il n'y a plus de doute, ils filent un mauvais coton ! Ils me laissent seul sous le regard de Andreas Hofer patriote et défenseur du Tyrol, fusillé par...les français ! je suis pas bien rassuré, mais je compte beaucoup sur ma médaille pour me protéger...
Pendant que nous nous dérouillons les jambes (après avoir fait une quarantaine de kilomètres de plus !!) J'apprends qu'ils ont fait brûler un cierge pour revenir l'année prochaine, si tout va bien ! Maintenant que j'ai le fin mot de l'histoire, je suis plus détendu et peux à loisir admirer les façades colorées de cette ville du verre, où les souffleurs y sont à l'oeuvre depuis deux siècles.
Le dicton affiché dans la vitrine ne mentait pas, alors que ma vieille tentait d'amadouer un tyrolien pour goûter son schnaps, j'ai repéré une pâtisserie nommée Hacker tout à fait prometteuse et accueillante puisque nous avons pu nous y installer tous les trois ! Après tout cette halte est salutaire et nourrira en plus de mon estomac, mon album photos qui s'ouvre instantanément quand je ferme les yeux !!
Quand après un quart d'heure de route, nous avons fait une nouvelle halte, je n'ai rien dit ! j'avais compris que la même mélancolie se balançait au creux du coeur de mes deux vieux. Il faut bien reconnaïtre que le charmant village fleuri d'Alpbach vaut le détour, il est tout de bois construit et joliment perché dans son écrin de verdure.
Puisque nous sommes en odeur de sainteté auprès des hautes sphères, j'ai patiemment attendu le retour de mes amis, qui ont allumé un autre cierge pour confirmer notre souhait !! La chef est revenue toute réjouie parce qu'elle y a trouvé un livre me concernant. Elle m'a certifié que moi aussi j'irai au ciel. Hors de question, j'ai le vertige !! Elle insiste : au paradis Charly ! t'iras au paradis ! ben oui ! c'est pas un scoop, je le sais depuis belle lurette !
En engouffrant pour la énième fois dans la voiture, j'ai perçu un changement dans leur attitude ! Je crois qu'ils ont enfin lâché prise : nous rentrons chez nous ! La route se fait de plus en plus sinueuse, nous prenons de la hauteur ! Je risque un oeil à la fenêtre, la vue est vertigineuse...Soudain, nous voilà cernés puis enveloppés par de blanches volutes de brume nous laissant aveugles, perdus entre ciel et terre ! La catastrophe a t-elle fini sa pause !!
Tout aussi soudainement, l'épais rideau s'est levé, laissant apparaître en contrebas le but final de cette étrange odyssée. Notre nouveau chez nous : la pension Schönblick ! J'aime les histoires qui finissent bien ! Mes compagnons m'ont installé de suite, puis sous ma surveillance et avec mon aide, ils ont déballé la valise et mes petites affaires !! J'ai fait le tour du propriétaire, puis on s'est mis à la fenêtre pour jouir de la vue, un étrange et fascinant animal se tenait là au pied du chalet...
"Songe donc à ce qui te reste, plutôt qu'à ce que tu n'as plus."